Séminaire du canton du Valais sur la politique hospitalière

 L'Ente ospedaliero cantonale: 
une institution autonome pour la coordination et la gestion des hôpitaux publics

Bern, le 6 juin 2001


 "Evaluation des relations entre les instances politiques - Conseil d'Etat et Grand Conseil – et les organes de l'institution de droit public - Conseil d'administration et Direction général de l’Ente ospedaliero cantonale"

Mesdames et Messieurs,

 

je partage très volontiers avec vous ce séminaire sur la planification hospitalière. Je crois très important échanger des expériences et des opinions entre nos cantons. Cela nous permettra de mieux saisir les défis du secteur sanitaire suisse et de travailler de manière coordonnée au contrôle des coûts de la santé, ou mieux dit, de la maladie.

Hier, le parlement tessinois a discuté la planification hospitalière LAMal. Nous avons dû réduire notre offre hospitalière de plus de 400 lits, surtout dans le secteur privé.

Le secteur publique, au contraire, connaît la planification depuis des années et avec de bons résultats.

J’arrive au sujet de votre séminaire, en vous remerciant avant tout de nous avoir invité.

Introduction

L'Ente ospedaliero cantonale à comme but la coordination et la gestion des hôpitaux publics en tant qu'institution autonome.

Pour une évaluation de cette expérience originale, il est tout d'abord nécessaire de mettre en évidence son importance et son rôle de manière générale dans l'offre globale cantonale de traitements hospitaliers pour malades aigus et pour la réadaptation

(selon l’art. 39 alinéa 1 de la LAMal).

Au Tessin, pour des causes historiques, l'offre hospitalière publique ne représente que 50% de l’ensemble des lits des établissements de soins.

L'autre moitié est privée: il s’agit de structures qui ne sont pas financées par l'Etat, au moins jusqu'à ce que le projet de révision de la LAMal ne sera pas approuvé par le parlement. 

Il faut aussi retenir que pas tous les établissements publics font partie de l'Ente Ospedaliero.

Nous avons deux exceptions:

Les hôpitaux dont l'Ente ospedaliero est propriétaire, assurent - en général - le traitement de maladie aiguës (un service de réadaptation de 25 lits a été récemment créé). Il s'agit de sept établissements.
L'Ente ne gère donc aucune structure psychiatrique.

Quatre établissements de l'Ente constituent les principales structures hospitalières du canton et assurent les traitements aigus de base : médecine, chirurgie, gynécologie-obstétrique et pédiatrie ainsi que des soins spécialisés : neurochirurgie, oncologie etc.

A’ différence des autres hôpitaux publics et de toutes les cliniques privées, ils offres également les services d’urgences et les soins intensifs.

De plus, ils assurent la formation du personnel sanitaire.

Aujourd’hui, et avant le 1. juillet prochain date d'entrée en vigueur de la nouvelle planification hospitalière, il y a au Tessin vingt cliniques privées.

Treize s'occupent de maladies aiguës, au sens de la LAMal, cinq de cas psychiatriques et deux de mesures médicales de réadaptation.

La planification prévoit la fermeture de six cliniques.

Résultats obtenus avec la création de l'Ente ospedaliero

Aujourd'hui, après presque 20 années d’expérience, nous pouvons affirmer que la création de l'Ente, avec la loi sur les hôpitaux publics de 1982, a été sans doute une idée gagnante et une réalisation moderne et avancée.

Cette loi a permis, au début des années Quatre-vingt, de sortir du Moyen Age le secteur hospitalier du Tessin, et ensuite de disposer d’une institution qui a su promouvoir l’efficience économique et la culture de la qualité à l’intérieur du secteur hospitalier public.

A' la formation du consensus politique, dans les années Septante, deux facteurs ont été déterminants:

Malgré la loi sur le subventionnement des hôpitaux de 1963, les établissements d'intérêt public se sont retrouvés dans une vraie débacle financière. 
Les banques n’étaient justement plus disposées à garantir la liquidité nécessaire, les coûts étant hors contrôle
car soumis à aucune planification mais aux "extravagances" de chaque hôpital.

La politique de l'Ente, de son Conseil d'administration et de sa Direction, a donné de bons résultats quant à l’efficience de la gestion. 
Une action systématique et tenace a su maîtriser l'entreprise
dans son évolution soit du point de vue du contrôle de l'offre médicale soit du point du vue de la gestion des coûts.

Et voici quelques résultats:

Evidemment, la situation particulière du système hospitalier tessinois et la conception de la loi de 1982, ont également imposé des limites à l'action de l'Ente. 

Si le secteur public a réduit, dans ces dernières années, de 30% (trente pour cent) l'offre hospitalière (de 1’983 à 1’412 lits), cette diminution, à cause de l'absence de base légale, a été contrecarrée par l'évolution du secteur privé (sans financement public).

En effet, pendant cette période, ont été ouvertes sept nouvelles cliniques privées. Ce qui a produit une augmentation équivalente de lits dans le secteur privé (de 1'043 a 1'336).

Cela n'a certainement pas faciliter la mise en oeuvre de la planification hospitalière selon l'art. 39 de la LAMal.

D'autre part, la loi sur les hôpitaux publics de 1982, laissait de bonnes marges de pouvoir au niveau local. 

La loi prévoyait en effet une participation financière des Communes dans la mesure d'un tiers du besoin financier de l'Ente et pour chaque établissement le maintien d'organes au niveau local (assemblée des délégués et conseils d'institut avec les représentants des communes).

De ce fait, l'action de coordination de l'Ente cantonale a été conditionnée.

Une meilleure coordination et concentration des ressource spour améliorer la qualité des services et des soins n'a pas toujours été possible.

Voici quelques exemples où des pressions locales ont empêché de promouvoir des solutions plus rationnelles.

Pour opérer cette coordination, non encore totalement achevée, il a fallu de la part de l'Ente beaucoup de prudence.

La nouvelle sur Loi Ente Ospedaliero cantonale, des nouveaux problèmes.

Dès cette année, la nouvelle loi accroît l'autonomie de l'Ente. 

Cela devrait permettre de renforcer les possibilités de promotion des restructurations, de coordination et de rationalisation de l'offre hospitalière au niveau cantonal.

Actuellement, l'autonomie quant à la dotation de personnel est relative. Les instruments de contrôle de la qualité des soins, établis par les associations nationales, restent encore axés sur le contrôle des ressources (par exemple: nombres d'infirmiers par patient) et non pas sur les résultats des soins.

Le plein respect du principe de non ingérence sur la gestion du fournisseur de prestations de la part du canton n'est pas praticable pour l'instant, soit au niveau de contrat de prestation soit au niveau de la vigilance sanitaire (Loi sanitaire).

Une question fondamentale: le respect des sphères de compétence entre autorités politiques superieures et organes de l'Ente, en tant qu’institution autonome

Il est très important de réfléchir sur le contrôle du pouvoir. Ne pas le faire, pourrait engendrer la perte du contrôle de celui qui à la responsabilité et la légitimité de gouverner.

Le fait qu'une entreprise soit une propriété collective devrait impliquer un contrôle politique totale de la part du parlement et donc non seulement de la part des instances de l'entreprise. Et ceci avec les instruments classiques de l’activité parlementaire: interpellation, motion, initiative, débat.

Si cette interprétation va prévaloir - comme ça été le cas au Tessin tout au long de la dernière année - alors, nous aurions non seulement des entreprises publiques mais aussi des entreprises dont l’activité est exposée au grand public.

Toute action, chaque projet Pourrait ainsi être discuté sur la place publique.

Dans ces conditions, n'importe quelle entreprise ne pourra pas être efficace et ceci sera particulièrement vrai pour le secteur sanitaire imprégné et pétri de valeurs et attentes mythiques soit au niveau individuel que social.

Une entreprise a besoin de pouvoir discuter, changer ses projet, ses idées sans devoir rendre compte quotidiennement à ceux qui ne participent pas à ce processuset qui n'ont aucune responsabilité directe.

La nouvelle loi sur l'Ente ospedaliero, entrée en vigueur le 13 février 2001, a renforcé l'autonomie et a jeté les bases pour une gestion plus économique d’entreprise.

Au Grand Conseil et au Conseil d'Etat la compétence de définir les objectifs; à l'Ente d'établir comment les rejoindre.

Le respect des règles est particulièrement important dans un canton où l'Ente n'a pas le monopole des soins hospitaliers aigus,

mais au contraire, il est soumis à la concurrence d’un secteur privé important.

Evidemment, cette nouvelle répartition des tâches, entre instances politiques et organes d'entreprise, impose et suppose un important changement culturel, non seulement pour les dirigeants et les collaborateurs des entreprises, mais aussi, si non surtout, pour les responsables politiques.

Au de là de l'acquisition des connaissances techniques nécessaires, le représentant politique aura de la peine à accepter de réduire sa propre influence et surtout celle de sa clientèle, face à intérêts immédiats et pour lui bien concrets, mais qui pourraient entrer en conflit avec les objectifsd’entreprise fixés par l'Etat .

Il s'agit d'un processus qui prendra du temps.

D'autres problèmes: l'équidistance du Canton (Conseil d'Etat, Département des affaires sociales) par rapportà l'Ente ospedaliero et au secteur hospitalier privé.

Et me voilà à la dernière question dont je voudrais vous parler: les rapports entre les autorités exécutives cantonales (Conseil d'Etat et Département des affaires sociales) et l'Ente ospedaliero et le secteur hospitalier privé. 

Ce dernier, comme je l'ai dit, est très développé au Tessin (environ 50% des lits). L'application de la LAMal demande aux cantons d'intervenir dans la réorientation de l'offre hospitalière publique et privée. 

De ce fait, ces dernières années, nous avons constaté la nécessité de garantir un rapport d'équidistance par rapport à l'Ente ospedaliero et au secteur privé.

Cette équidistance sera encore plus marquée si le projet de financement des hôpitaux va être adopté, comme le prévoit la deuxième révision de la LAMal, C'est une exigence que nous avons aussi constaté très récemment au niveau de la vigilance de la police sanitaire, prévue par la loi sanitaire cantonale, notamment quand les problèmes relatifs à la qualité des soins ou aux erreurs médicales sont posés sur la table.

Il est donc important de réfléchir aussi quant à l’opportunité de la présence du Conseiller d'Etat au sein du Conseil d'administration de l'Ente, comme cela a été jusqu'à maintenant le cas. 

En effet cette présence pourrait dans le futur être vécue par certains comme un "parti - pris" et par d’autres comme une ingérence inopportune de la politique.

Patrizia Pesenti

Conseillère d'Etat  du canton du Tessin

Département des affaires sociales