Progetto Politica nazionale della sanità
Incontro nazionale
Istituto Gottlieb Duttweiler, Rüschlikon, 18/19 ottobre 2001
Patrizia Pesenti, Consigliere di Stato e Presidente del Progetto Politica nazionale della sanità
La tâche qui m'a été
confiée est celle d'essayer de tirer des conclusions préliminaires de
politique sanitaire par rapport aux expériences et aux évidences apportées
par les orateurs qui m'ont précédé.
La question essentielle me paraît celle-ci : comment le monde politique
peut-il faire passer au niveau de la population suisse le message suivant:
l'équité d'accès aux
prestations et aux services sanitaires ne garantit pas - j'ajouterai "même
en Suisse" - l'équité face à la santé mesurée en termes de qualité et
de quantité de vie.
Donner de la crédibilité sociale à un tel message, aujourd'hui incontournable, implique à mon avis l'abandon de la croyance que le seul et vrai déterminant de la santé est la consommation de biens médicaux et l'utilisation des services sanitaires.
Huxley en 1931 disait pour
dominer, il faut séduire les cœurs et les esprits.
Une pensée séduisante veut que toute consommation de biens médicaux
soit par définition toujours utile, nécessaire, efficace et adéquate, et que
l'on ne sera sauvé que par la science et la technologie. Cette pensée
reflète, à mon avis, une culture qui empêche la population de reconnaître
l'influence réelle de l'environnement économique, social et économique sur le
bien-être et sur la santé des humains.
Faire passer cette
évidence-là en Suisse semble encore plus compliqué car, à échéances
annuelles, il faut compter avec le stress psychosocial qui suit l'annonce de
l'augmentation constante des coûts de notre système sanitaire. Et
précisément de la partie des coûts socialisée à travers les cotisations de
l'assurance maladie.
Un système sanitaire dont les mécanismes ont été, à mon avis, rendus
ingérables
par un soucis de fédéralisme probablement poussé à l'excès
par la recherche d'impossibles consensus entre les intérêts objectivement divergents des partenaires
et par la complexité juridique et de financement du système.
De là le risque d'un grand malentendu: celui de donner l'impression à la population que mettre l'accent de la politique sanitaire sur les déterminants socio-économiques et environnementaux de la santé et promouvoir l'action intersectorielle qui en découle, puisse être perçu comme un escamotage pour distraire l'attention de la nécessité d'une réflexion fondamentale sur l'adéquation de la LAMal. Une loi qui a eu le grand mérite de garantir l'équité d'accès pour l'ensemble de la population aux soins sans toutefois garantir, et ceci il faut le reconnaître, une maîtrise supportable et adéquate des coûts ainsi qu'une vraie équité sociale quant à leur financement.
Cela dit je reprends le message qui me paraît essentiel, c'est à dire que l'équité d'accès aux soins ne garantit pas l'équité face au bien être et à la santé.
Les inégalités de santé, lorsqu'elles sont évitables, deviennent inéquitables. Le thème de l'équité face à la santé inclut plusieurs éléments nécessaires mais non suffisants:
l'équité d'accès aux services;
l'équité d'utilisation par rapport aux besoins;
l'équité par rapport aux résultats des interventions sanitaires.
Un concept d'équité plus large me semble toutefois essentiel. Un concept qui inclut la création d'un environnement socio-économique susceptible d'offrir aux individus des opportunités égales pour la santé. Ceci signifie que l'action doit être orientée vers une réduction au plus bas niveau possible des inégalités face à la santé, mesurées en termes de qualité et de quantité de vie.
Une telle définition va bien évidemment au delà de l'équité d'accès et d'utilisation des services de santé.
L'objection que la santé soit essentiellement une affaire individuelle, liée donc à la disponibilité et à la volonté de chacun d'investir plus ou moins dans sa santé, n'est pas supportée par les évidences de la recherche qui montrent, nous l'avons vu et nous le verrons encore aujourd'hui:
qu'une santé dégradée à l'âge adulte est fortement corrélée avec une santé précaire lors de l'enfance;
que les comportements et les styles de vie favorables à la santé dépendent lourdement de l'environnement socio-économiques et;
qu'au delà des styles de vie, la santé des individus dépend essentiellement de facteurs qui sont en dehors de leurs possibilités de contrôle individuel, comme par exemple les politiques d'emploi et les conditions de travail.
C’est justement parce
que la santé de la population dépend de façon importante des choix politiques
effectués dans des secteurs autres que celui de la politique sanitaire qu’il
est dès lors indispensable de promouvoir une politique intersectorielle
attentive aux préoccupations des gens pour leur santé.
Une bonne santé dépend en effet d’un bon niveau d’éducation, d’une
situation professionnelle relativement sûre - sans la peur constante de perdre
son travail - et aussi d’une bonne intégration sociale.
Les personnes jouissent d’une bonne santé quand elles sont en mesure de faire
des projets pour leur avenir, sans être ou se sentir complètement à la merci
de facteurs sur lesquels elles n’ont aucun contrôle.
En ce sens les politiques économiques, de l’éducation, de l’emploi, de l’intégration
sociale, de l’environnement, des transports et de l’urbanisme sont plus
importantes pour la santé publique que la politique sanitaire "stricto
sensu".
Permettez-moi un exemple, aujourd'hui malheureusement de haute actualité.
Je prends comme exemple le travail, qui est le principal facteur d'intégration sociale et de cohésion entre l'individu et la société.
Travail oui, mais à quelles conditions?
Tout le monde devrait être d'accord qu'un travail devrait être raisonnablement stable, équitablement rétribué, intéressant et accompli à des conditions respectant le droit de la personne quant à la sécurité, à la salubrité et à la dignité.
Une étude suisse
récente a montré, c'était l'année 1997, qu'environ 10% des personnes
exercent un travail dépendant (environ 400'000 personnes) avaient un haut
degré de peur de perdre leur place de travail.
Quelles conséquences pour la santé?
La même étude avait
comparé, sur la base de quelques indicateurs sanitaires, la santé des
salariés n'ayant aucune peur de perdre leur place de travail avec ceux ayant au
contraire un haut degré de peur.
Pour tous les indicateurs les personnes inquiètes ont dénoncé des conditions
sanitaires plus mauvaises.
Par exemple: insomnie régulière 60% de plus; consommation journalière de
tranquillisants 110% de plus; dorsalgies fréquentes 100% de plus. Curieusement,
ceux qui ont indiqué un haut niveau de peur de perdre leur travail semblent
consulter leur médecin moins souvent que les autres. La raison de cette
apparente contradiction est à rechercher dans le fait que ceux qui sont
inquiets ont renoncé massivement à consulter ou à se soigner pour ne pas
s'absenter de leur poste de travail.
Cet exemple, qui n'est qu'un parmi d'autres, montre la nécessité de connaître et mesurer l'impact potentiel et réel des politiques non sanitaires (économiques, de l'emploi, de l'environnement, de l'éducation, des transports, etc.).
L'opération de sauvetage d'une compagnie aérienne devra donc à l'évidence être vue et perçue aussi comme une action majeure de santé publique.
L'année dernière, le
Gouvernement tessinois a formellement établi que "toute nouvelle loi ou
toute décision politique importante devront être accompagnées d'un rapport
d'impact sur la santé publique".
Cette décision répond à notre préoccupation qui est de considérer
différemment la politique sanitaire et l'orienter non seulement vers la
réparation des atteintes à la santé, mais aussi vers la promotion d'un
environnement favorable à la santé et à son maintien.
Ceci dit, je crois qu'une opération culturelle d'envergure envers la société civile, un empowerment comme on dit aujourd'hui, doit être entreprise avec urgence afin de bâtir les fondements et créer les prémisses pour une nouvelle politique sanitaire nationale équitable. Une politique sanitaire nationale préoccupée non seulement de l'accès universel à la consommation adéquate de biens médicaux essentiellement "réparateurs" à des coûts supportables, mais aussi soucieuse de créer un environnement capable d'offrir à la population des opportunités égales face à la promotion et au maintien de la santé.
Une telle politique devrait viser (par l'empowerment de la population) l'acceptation et la promotion auprès de la société civile de l'action intersectorielle fondée sur les déterminants socio-économiques et environnementaux de la santé. Une politique de la santé qui devrait ainsi viser l'acceptation sociale des modifications structurelles à apporter à la LAMal. Et cela dans le but d'empêcher des solutions traumatiques aux problèmes d'organisation et de financement du secteur des soins de santé dans notre pays.
Probablement la première loi qui devrait être soumise à un processus d'évaluation de son impact global sur la santé des individus pourrait justement être la LAMal.